01

Une ville rationalisée,
un espace vidé de sa spontanéité

Longtemps vibrante de rencontres fortuites et d’usages multiples, la ville s’efface peu à peu derrière un quadrillage fonctionnel où chaque mètre carré est rentabilisé. Loin d’être un terrain d’exploration, elle devient un circuit millimétré où chaque déplacement est tracé et chaque interaction prévisible.

Là où auparavant s’épanouissaient des espaces vides où l’on pouvait s’attarder, errer, inventer, des couloirs de transit et des îlots de consommation sont apparus. L’architecture elle-même, autrefois reflet de l’hétérogénéité du vivant, s’uniformise au profit de l’efficience, effaçant peu à peu les aspérités qui donnaient à la ville son caractère imprévisible.

Ainsi, l’espace urbain devient un théâtre figé, où chaque scène se déroule sans accrocs, mais aussi sans surprises. L’urbanité se réduit alors à un mouvement fluide, sans résistance, sans friction, sans rencontres. On y circule sans jamais véritablement s’arrêter, sans s’approprier l’espace ni s’y inscrire pleinement.

L’espace urbain, vidé de toute imprévisibilité, endort peu à peu les esprits, reléguant ses habitants au rôle de figurants dans un décor où rien ne déborde ni ne surprend.

Édifice Hydro-Québec

02

Individualisation de l’espace
et fragmentation sociale

Autrefois carrefour de rencontres, aujourd’hui cloisonnement. Dans sa quête de rentabilité, la ville disperse ses habitants en îlots isolés de plus en plus hermétiques.

À mesure que les loyers augmentent, les liens se perdent : on ne choisit plus son quartier, on y vit le temps que l’économie le permette. Ceux qui ne peuvent plus suivre sont poussés vers la périphérie, expulsés d’un territoire qui, pourtant, abritait leur mémoire et leur quotidien.

Cette fragmentation n’est évidemment pas qu’économique. Les zones poreuses où se jouait la spontanéité du lien social se transforment en lieux encadrés par des normes invisibles qui filtrent les comportements acceptables. L’étrangeté devient suspecte, l’inconnue inconfortable.

Peu à peu, l’interaction imprévisible, pourtant fondement de la ville, se raréfie, remplacée par une urbanité de l’évitement, où chacun évolue dans un monde calculé, planifié, sans jamais véritablement faire de place aux rencontres inopinées. L’isolement n’est plus un accident, mais une condition ordinaire.

Chapelle Notre-Dame-
de-Lourdes

03

La ville durable et saine,

un écosystème vivant

Une ville durable et saine est une ville qui accepte l’imprévu. Face à l’homogénéisation qui l’étouffe, il devient nécessaire de réhabiliter l’incertain et le spontané.

Plutôt que de vouloir tout normaliser, tout encadrer, il faut offrir des espaces où les habitants pourront redevenir des acteurs de leur environnement. Une ville vivante est une ville ayant un tissu urbain riche de multiples couches, qui ménage des zones d’ombre et des marges où peuvent éclore d’autres rythmes et d’autres formes de cohabitation.

Il ne s’agit plus de penser la ville comme un circuit optimisé, mais comme un organisme en perpétuelle métamorphose, où les habitants tissent leur propre cartographie, faite de rencontres, de réinventions et d’appropriations successives.

Logements Communautaires Chinois de Montréal